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Un nouveau statut pour les entrepreneurs individuels

Un article de
Frédéric MORELLI
Expert-comptable associé

Parole d’experts

Un nouveau statut pour les entrepreneurs individuels

Le 15 juin 2022

Depuis le 15 mai dernier, tout nouvel entrepreneur individuel bénéficie (en principe) de plein droit de la séparation des patrimoines professionnel et personnel. Il peut toutefois renoncer à ce système dans des conditions que le décret du 15 mai a précisées.

Un nouveau statut pour les entrepreneurs individuels

Un nouveau statut pour les entrepreneurs individuels

Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel est entré en vigueur le 15 mai 2022. Conséquence la plus importante, tout nouvel entrepreneur sous ce système bénéficie de plein droit de la séparation de ses patrimoines professionnel et personnel.

Les créanciers professionnels ne peuvent donc pas (sauf exceptions) saisir le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Auparavant, seule la résidence principale de l’entrepreneur était protégée de plein droit.

La loi du 14 février 2022 dont est issu ce nouveau statut définit l’entrepreneur individuel comme une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. Au regard de cette définition, le nouveau statut de l’entrepreneur individuel s’applique notamment au commerçant immatriculé au RCS, à l’artisan immatriculé au répertoire des métiers et au professionnel libéral immatriculé à l’URSSAF.

Conséquence : la fin de l’EIRL

Pour séparer l’ensemble de son patrimoine personnel, l’exploitant était précédemment obligé d’opter pour le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), un régime complexe. L’EIRL cesse de s’appliquer, ses principaux avantages étant repris dans le nouveau régime de l’entreprise individuelle qui s’applique à toutes les créations d’entreprises individuelles trois mois après la promulgation de la loi le 15 février.

Pour les entreprises individuelles déjà créées avant la réforme, la dissociation des patrimoines ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances.

La séparation du patrimoine personnel & professionnel

La loi du 14 février 2022 définit le patrimoine professionnel comme «les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes».

Le décret du 28 avril 2022 précise que ces éléments utiles sont ceux qui, «par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité». Le texte donne une liste non exhaustive de ces éléments:

  • le fonds de commerce,
  • le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral,
  • les biens meubles comme la marchandise,
  • le matériel et l’outillage, etc…

Le patrimoine personnel est, par conséquent, constitué du reste du patrimoine de la personne physique.

La séparation des patrimoines s’effectue automatiquement, sans que l’entrepreneur individuel ait à effectuer la moindre démarche administrative ou qu’il soit obligé d’informer ses créanciers.

Les exceptions à cette séparation

La loi prévoit que cette séparation des patrimoines ne s’appliquera pas dans certaines situations. Par conséquent, les créanciers pourront exercer leur droit de gage sur l’ensemble du patrimoine du débiteur.

• L’entrepreneur individuel pourra notamment renoncer au bénéfice de la séparation du patrimoine en faveur d’un créancier professionnel. Cette possibilité vise notamment à lui faciliter l’obtention de crédit bancaire.

• En cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales et sociales par l’entrepreneur individuel, le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale portera sur l’ensemble de ses patrimoines professionnel et personnel.

• Le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle dont est redevable la personne physique exerçant une activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel.

• Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis et ne sont donc plus séparés. Il en est de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel.

• Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l’égard d’un entrepreneur individuel relevant du statut, le tribunal peut condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute alors sur son patrimoine personnel.

Renonciation à la séparation des patrimoines pour un engagement spécifique

Cette faculté est justifiée essentiellement par l’éventualité que les banques cherchent à se protéger sur le patrimoine personnel de l’exploitant individuel.

L’article L. 526-25 du code de commerce dispose : « L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la dérogation prévue au quatrième alinéa de l’article L. 526-22, pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret. Cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature de la mention manuscrite énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion est réduit à trois jours francs».

Le décret du 15 mai a précisé les conditions de forme de cette renonciation. Il prévoit également que si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande.

Le décret précise les mentions obligatoires de l’acte de renonciation à la séparation des patrimoines pour un engagement spécifique.

Les mentions obligatoires relatives aux informations concernant l’engagement :

  • Date de l’engagement ;
  • Objet de l’engagement ;
  • Date d’échéance de l’engagement, c’est-à-dire la date contractuelle prévue pour le remboursement total des sommes dues au titre de l’engagement, étant précisé que celle-ci peut être prorogée soit par un accord des parties soit par une décision judiciaire ;
  • Montant de l’engagement ou les éléments permettant de le déterminer ; ces éléments, une fois spécifiés dans l’acte de renonciation fixent définitivement le plafond pour lequel une même renonciation vaut ;
  • Date de demande de la renonciation.
  • Lorsque l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation entendent réduire le délai de réflexion au terme duquel la renonciation intervient, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 526-25, l’acte de renonciation porte, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante : “Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de sept jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à trois jours francs.”
  • L’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation apposent leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu. Il peut être fait usage d’une signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

Les mentions obligatoires relatives aux informations concernant l’entrepreneur individuel :

  • Nom de naissance, nom d’usage, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et domicile ;
  • L’activité ou les activités professionnelles et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités
  • L’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée;
  • Le numéro unique d’identification de l’entreprise, si l’entrepreneur est déjà immatriculé, ou, lorsqu’elle est antérieure à la date d’immatriculation, la date déclarée du début d’activité;

Les mentions obligatoires relatives aux informations concernant le bénéficiaire de la renonciation :

Bénéficiaire personne physique

  • Nom de naissance, nom d’usage, prénoms, date, lieu de naissance et domicile du bénéficiaire de la renonciation ;
  • le cas échéant, l’activité ou les activités professionnelles exercées, l’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités et le numéro unique d’identification de l’entreprise ;

Bénéficiaire personne morale

  • La raison sociale ou la dénomination sociale, suivie, le cas échéant, du sigle et de la forme ;
  • l’adresse du siège social ou de l’établissement, ou, à défaut, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
  • le numéro unique d’identification de l’entreprise ;
  • l’indication que le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement.

Articulation entre patrimoine personnel & patrimoine professionnel

Le cloisonnement entre les patrimoines personnel et professionnel n’est pas absolu. Ainsi, si le patrimoine personnel du débiteur est insuffisant pour satisfaire ses créanciers personnels, le débiteur peut demander que leur droit de gage général s’exerce sur son patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

Les contestations en matière de saisie

En cas de mesures d’exécution forcée (saisie) ou de mesures conservatoires sur le patrimoine du débiteur, la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel pour toute contestation qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier.

Par ailleurs, la loi précise que la responsabilité d’un créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son droit de gage général.

Adaptation des procédures collectives

Le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, jusqu’à la clôture de la procédure ou, le cas échéant, jusqu’à la fin des opérations du plan, interdiction pour tout débiteur entrepreneur individuel, sous réserve du versement de ses revenus, de modifier son patrimoine professionnel, lorsqu’il en résulterait une diminution de l’actif de ce patrimoine.

Transfert du patrimoine professionnel

L’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans avoir à procéder à la liquidation de celui-ci.

Le législateur rappelle que le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés.

Le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué. Lorsque le bénéficiaire est une société, le transfert des droits, biens et obligations peut revêtir la forme d’un apport.

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